Une forme de censure qui semble faire l’affaire

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Dernièrement, le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, s’est vu refuser, à lui et à ses invités, l’accès à trois restaurants de la région du Saguenay sous prétexte que, au moment de la réservation de la salle, il n’avait pas été précisé qu’on y discuterait de sujets politiques.

M. Duhaime a vu dans ce traitement une forme de discrimination à son endroit et à l’endroit de son parti. Cette sortie lui a valu une volée de bois vert des journalistes et des caricaturistes, qui ont fait des gorges chaudes à ses dépens. Un éditorialiste de La Presse s’est même fendu d’une argutie subtile, à savoir qu’être admis dans un restaurant pour y manger constituait un droit inaliénable mais que le droit d’y tenir en privé des propos de nature politique constituerait en fait un privilège pouvant être révoqué à tout moment suivant le bon vouloir du tenancier.

M. Duhaime, quoi qu’on puisse penser du personnage qu’il se donne et qu’il se plaît à montrer, a ici entièrement raison : il a effectivement été victime de discrimination, n’en déplaise à la meute de ses pourfendeurs qui ne demandent pas mieux que de se payer sa tête à chaque occasion qui se présente. Mais qu’espère-t-on au juste en cherchant à empêcher des citoyens de se réunir, apparemment parce que leur discours n’est pas jugé séant et convenable ?

Je me dois de préciser ici que je ne suis pas un partisan de M. Duhaime et que je suis loin de souscrire à ses thèses. Je ne suis pas membre de son parti, je ne désire pas le devenir et je n’ai pas l’intention de voter pour celui-ci aux prochaines élections. Mais je tiens mordicus aux quelques libertés qu’on veut bien encore nous octroyer, dont la liberté de réunion, que cela fasse ou non notre affaire.

C’est pourquoi on est en droit d’estimer que le chef du PCQ a été lésé injustement pour des raisons éminemment futiles. Depuis quand interdit-on l’accès à un lieu en présumant à l’avance de la nature des propos qui y seront tenus ? Encore un peu et les moralistes de tous poils vont se mettre à écouter aux portes pour juger, selon des critères parfaitement gratuits, si ce qui parvient à leurs chastes oreilles leur paraît offensant ou déplacé. En est-on rendu à tolérer, et même à chercher à justifier, une forme de censure qui n’est pas nouvelle mais qu’on croyait — à tort, il faut croire — reléguée aux oubliettes depuis l’époque de Duplessis ?

Ceux qui ne sont pas d’accord auraient-ils eu la même attitude si, au lieu des conservateurs de M. Duhaime, la salle du restaurant avait été réservée pour une autre formation politique ou un quelconque groupe militant se disant « progressiste » et comptant dans ses rangs des personnes dites « racisées » ? Poser la question, c’est y répondre. On imagine d’ici le tollé et le scandale que cela créerait, qui trouverait des échos jusqu’au sein de l’Assemblée nationale.

Un constat s’impose : il y a maintenant au Québec, suivant la tête du client, des formes de discrimination qui semblent tout à fait convenables et même justifiées au nom d’une certaine forme de bien-pensance qui s’affiche comme de plus en plus malsaine. Au vu de l’évolution récente, il y a fort à parier que cela ne s’arrêtera pas là.